Dépôt du projet de loi miroir Canada-Québec sur les hydrocarbures extracôtiers : Quand les principaux concernés seront-ils consultés?

Communiqué de presse pour diffusion immédiate

Havre-aux-Maisons, le 16 juin 2015 – L’Association madelinienne pour la sécurité énergétique et environnementale (AMSÉE) prend acte des propos du ministre Arcand à l’effet qu’il y aurait une consultation publique avant de décider si le Québec va de l’avant dans développement pétrolier du golfe du Saint-Laurent et demande à ce que ce processus, qui pourrait mener à une levée du moratoire, soit officialisé.

Une démarche précipitée sans égard à la réalité locale

Le ministre Arcand a déposé, le 11 juin 2015, le projet de Loi miroir de mise en œuvre de l’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec sur la gestion conjointe des hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent sans avoir complété les études environnementales stratégiques (ÉES) sur la filière des hydrocarbures et sans consultation préalable.

Son propre ministère procédait, quatre jours après ce dépôt, à une démarche publique, volet « hydrocarbures », en vue d’élaborer la future politique énergétique du Québec. Cette démarche s’articulait autour d’une table d’experts composée de membres de l’industrie pétrolière mais d’aucun expert du golfe du Saint-Laurent. Alors que la question de la pertinence d’ouvrir le golfe ou non au développement pétrolier a pour ainsi dire été évacuée de cette démarche, le ministre Arcand a affirmé2 : « Nous entendons les revendications des pêcheurs des Îles de la Madeleine et des membres de leur communauté. La question fondamentale qu’il faut se poser, c’est est-ce que nous allons laisser Terre-Neuve faire l’exploitation [tandis que le Québec] assumera tous les risques, parce que les risques seront exactement les mêmes, sans nécessairement en tirer des bénéfices » ?

L’AMSÉE s’étonne d’un traitement aussi restreint des enjeux entourant l’exploration dans le golfe et souligne que même cette étroite question n’a pas été abordée par les experts présents. L’AMSÉE tient aussi à rectifier que Terre-Neuve n’exploite pas le golfe du Saint-Laurent en ce moment. Au contraire, aucun permis de forage n’a été accordé à Corridor Resources et leur licence, pour le secteur Old Harry, arrivera à échéance sous peu. Aussi, il faut rappeler que Terre-Neuve a inclu des visites des communautés québécoises lors de la révision de leur EÉS. « Quel rôle Québec jouera-t-il exactement pour faire diminuer ces risques potentiels interprovinciaux? En ce sens, proposer de développer le secteur pétrolier extra-côtier pour gérer les risques interprovinciaux actuels et futurs ne figure certainement pas parmi les meilleures options, » d’affirmer Marianne Papillon, porte-parole de l’AMSÉE.

Un moratoire québécois temporaire à l’avenir incertain

Un arrêté ministériel3 avait officialisé en 2009 le moratoire québécois sur l’exploration pétrolière et gazière dans le golfe du Saint-Laurent, « le temps nécessaire au gouvernement de mettre en place un encadrement environnemental adéquat, notamment par la réalisation d’ÉES sur la mise en valeur des hydrocarbures en milieu marin. » Lorsque les ÉES seront complétées, quelles autres étapes, s’il en est, devront être franchies avant de lever ce moratoire? Et qu’en est-il du reste du golfe? Québec envisage-t-il de prolonger ou de faire étendre ce moratoire?

L’AMSÉE tient à rappeler qu’aucune consultation publique formelle sur l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures dans le golfe n’a été faite, ni au Québec, ni au Canada. Dans la même lignée, aucun processus formel de consultation publique n’est prévu dans le projet de loi 49, ni à la phase exploratoire, ni à la phase de l’exploitation. Enfin, contrairement aux lois en application pour les activités terrestres, les lois environnementales actuelles ne nécessitent pas d’audiences publiques pour des forages en milieu marin. « À quel moment les Madelinots seront-ils consultés? À quel moment les Québécois le seront-ils? Quand les citoyens des cinq provinces bordant le Golfe seront-ils considérés dans ce dossier? » questionne la porte-parole.

Une phase transitoire dont les risques ne le seraient pas

Avec ce projet de loi miroir, dit transitoire, le gouvernement ne crée pas d’organisme de surveillance ni d’office. Cependant, cette phase «transitoire» permettrait tout de même d’accorder aux pétrolières des licences d’exploration de 9 ans, des licences de découverte exploitables, des licences de production de 25 ans et d’autoriser le recours aux dispersants.

Si une découverte exploitable était reconnue, nos gouvernements auraient alors deux ans pour créer un office des hydrocarbures extracôtiers Canada-Québec. L’éventuel office ainsi créé serait similaire à celui de Terre-Neuve–Labrador. Or, la structure de leur office a été critiquée parce que l’entité qui y est responsable d’exercer un contrôle est la même que celle responsable de promouvoir le développement pétrolier. Il y a là un dangereux risque de glissement – c’est d’ailleurs dans de telles conditions qu’est survenue la catastrophe du golfe du Mexique.

Bonnes nouvelles : oui mais…

La responsabilité financière, en cas d’accident, a été élevée à $ 1 milliard mais les ministres se conservent le droit de diminuer ce montant à qui en fera la demande (en comparaison, en Norvège, il n’existe aucun plafonnement de dédommagement pour les compagnies). Un Comité des hydrocarbures responsable d’analyser les demandes et de conseiller le ministre « peut » être constitué, il ne serait donc pas systématique, et en cas d’accident causant la mort de personnes ou un déversement majeur, le ministre « peut » exiger une enquête, mais n’y serait donc pas tenu. L’AMSÉE s’inquiète que plusieurs aspects du projet de loi ne donnent ainsi une place disproportionnée au ministre des Ressources naturelles et au Conseil des ministres face aux experts du ministère de l’Environnement et aux communautés locales. «Mais où sont donc passées les meilleures pratiques dont nos gouvernements devaient s’inspirer en matière d’hydrocarbures? » questionne Marianne Papillon.

 

1 : En entrevue sur CFIM 92,7, 16 juin 2015

2 : Gisement Old Harry: Terre-Neuve force la main à Québec, 16 juin 2015, Michel Corbeil, Le Soleil,

3  : Arrêté numéro AM 2009-048 de la ministre des Ressources naturelles et de la Faune en date du 21 décembre 2009

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L’AMSÉE est un OSBL ayant pour mission de promouvoir la sécurité énergétique et environnementale aux Îles de la Madeleine. Elle vise à stimuler la mise en place de mesures réduisant les risques et les impacts des événements accidentels terrestres et maritimes liés à l’approvisionnement énergétique, sur l’archipel et dans le golfe du Saint-Laurent. Elle vise aussi à contribuer à la réduction de l’empreinte environnementale madelinienne en valorisant la réduction des besoins à la source et l’efficacité énergétique (www.amsee.ca).

Source : Marianne Papillon, porte-parole de l’AMSÉE, amsee.ca@outlook.com