Regard énergétique sur les élections municipales aux Îles-de-la-Madeleine

L’AMSÉE a séparément rencontré les deux candidatEs à la mairie des Îles-de-la-Madeleine afin d’en savoir plus sur leur vision et leurs perceptions de l’avenir énergétique des Îles. Voici une synthèse des échanges qui ont eu lieu.

AMSÉE : Qu’est-ce que la transition énergétique pour vous?
Jonathan Lapierre : Pour moi, la transition énergétique veut dire migrer vers l’utilisation d’énergies plus renouvelables et viser à réduire l’émission des gaz à effet de serre.
Dominique Gladyszewski : La transition ça veut dire changer la centrale polluante et qui a une durée de vie limitée en la remplaçant par des énergies renouvelables, dont on connait quelques-unes mais où les technologies se développent tout le temps. Il y a différentes ressources à mettre en valeur aux Îles et je pense qu’on devrait faire plus de recherche. En impliquant les citoyens, en les faisant participer pour aller chercher l’information et l’expertise, on peut plus prendre les choses en mains.

AMSÉE : Quels sont les bons coups et les mauvais coups de notre communauté, dans le domaine de la transition énergétique des dernières 4 années?
Jonathan Lapierre : L’adoption d’une stratégie énergétique et l’avancement du plan d’action Climat Municipalités avec notamment l’installation de deux bornes de recharge (et bientôt une troisième) et le début de l’électrification du parc automobile municipal (test d’un an d’autopartage d’un véhicule électrique). Je suis aussi fier du dossier éolien et du processus mis en place.
AMSÉE : Et dont vous êtes moins fier?
Jonathan Lapierre : … Et bien, c’est sûr que le déversement au quai du Cap-aux-Meules n’était pas de notre ressort. Mais c’est certain que ce n’est pas un bon coup. Aussi, le manque de solution pour gérer nos matières résiduelles et la réorganisation interne municipale sont deux grands chantiers. En effet, il est regrettable que les rénovations de la mairie, n’aient pas tant intégré de mesures issues du bâtiment durable.
Dominique Gladyszewski : Pour moi c’est certain que la reconnaissance du statut particulier des Îles a été un bon coup – même pour l’énergie. Car cela va nous aider à faire reconnaitre les besoins particuliers des places comme les Îles, qui ont un système d’énergie autonome. Et il y a l’installation des bornes électriques et le début du changement des flottes de véhicules du CISSS par exemple.
Mais sinon je pense que la façon dont on aborde tout ça, est lourd et compliqué. La population n’est pas incluse dans ce qui se fait, et au-delà de quelques initiatives individuelles, les citoyens n’ont pas le choix sur ce qui se passe en matière d’énergie. C’est le cas des éoliennes sur la Dune-du-Nord, où plusieurs éléments environnementaux et de bruit n’ont pas été abordés. Ce projet se passe dix ans après la consultation qui est invoquée pour le justifier et il n’en respecte pas les conclusions.

AMSÉE : M. Lapierre, quelle est votre vision pour la transition énergétique des Îles? Quels défis voyez-vous dans le chemin? Sur quelles forces locales pourrions-nous miser pour y faire face?
Jonathan Lapierre : J’accorde beaucoup d’importance à la question énergétique; huit sur dix, je dirais. Idéalement, il faudrait qu’elle soit menée le plus vite possible, mais plusieurs aspects importants ne dépendent pas de nous. Parmi les défis il y a la question de la centrale et des échéanciers d’Hydro-Québec, puis, d’ordre général, les questions de financement des initiatives et la réglementation. Je pense aussi que la population commence à être de mieux en mieux informée ce qui en fait de moins en moins un défi.
AMSÉE : Vous trouvez que la communication avec les citoyens n’est pas un défi?
Jonathan Lapierre : Oui, en quelque sorte, mais ce n’est pas juste le cas dans le domaine de l’énergie. C’est un défi dans tous les secteurs : quand on fait des rencontres, il y a peu de monde et ce sont souvent les mêmes qui participent. Mais on essaie de mettre en place des mécanismes, comme la Commission consultative sur les enjeux énergétiques qui est composée seulement de citoyens. Nous nous sommes engagés à revoir la réglementation liée à l’occupation du territoire, d’ici 2018, pour voir comment on peut aborder ces défis-là.
Avec Hydro-Québec, nous avons été fermes et exigeants, afin d’assurer la protection des emplois liés à l’énergie, et adopter une résolution avec le Conseil municipal pour exiger qu’Hydro-Québec respecte l’acceptabilité sociale de tout projet éventuel lié à la centrale. Je pense que l’information qu’on est allé chercher à travers les études (ex. Rapport Dunsky) seront utiles pour justifier des investissements de la part des partenaires.
AMSÉE : Justement, qu’est-ce que l’acceptabilité sociale pour vous, et comment peut-on l’évaluer?
Jonathan Lapierre : Pour moi, c’est toujours ce que veut la majorité, c’est le consensus qu’on arrive à faire avec une majorité. Pour choisir le moyen de communication le plus approprié avec la population et pour améliorer la participation, je propose dans ma plateforme de former un comité de citoyens chargés de faire le tour des Îles pour aller chercher des idées. Aussi, il y l’embauche imminente d’un(e) chargé(e) de projet pour mener la stratégie. Ce dernier aura dans ses cordes l’animation sociale et organisera, entre autres, un sommet international sur les enjeux énergétiques.

AMSÉE : Et vous, Madame Gladyszewski? Quels défis voyez-vous dans le chemin? Sur quelles forces locales pourrions-nous miser pour y faire face?
Dominique Gladyszewski
 : Selon moi, la communication est très importante et l’implication de la population aussi. Les gens doivent être informés, oui, mais ils détiennent aussi des capacités et des connaissances utiles, ils sont débrouillards. Je crois beaucoup en la jeunesse et à la sagesse des personnes plus âgées. Mais les gens manquent de confiance; les défis sont gros. Il faut mieux s’enligner, être pro-actifs pour qu’on puisse profiter des retombées économiques qui sont associées à la transition, comme par exemple le tourisme écologique.
AMSÉE : Comment voyez-vous, alors l’acceptabilité sociale et projets? Comment l’évaluez-vous?
Dominique Gladyszewski : Il faut revoir tout le processus en remettant l’acceptabilité sociale au centre, au cœur des projets. Je pense qu’il faut faire de la recherche, du brainstorming en profitant de l’effet de groupe et arriver avec plusieurs scénarios pour donner la possibilité aux gens de choisir. C’est en pouvant émettre des idées et soumettre des projets que les gens s’impliqueront. Et puis, il faut les sonder – pourquoi pas à travers le bulletin municipal, il sort à tous les mois? C’est en valorisant l’implication des gens qu’on va faire percoler les bonnes idées jusqu’au bout.

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Commentaire de l’AMSÉE en lien avec les discussions complètes lors de ces deux rencontres:
Selon les deux candidats, la transition demeure une question technique, plus que sociale, et on n’aborde pas les changements de comportement ou d’innovation sociale. On semble aussi croire à tort que toute l’énergie nécessaire actuellement consommée peut être remplacée par des sources renouvelables intermittentes sans évoquer le stockage ou la complémentarité des sources connues.

Monsieur Lapierre maîtrise les aspects réglementaires et fonctionnels des mesures en place, mais ne propose principalement qu’une vision économique de l’évolution énergétique des Îles. Cela rend la transition plus difficile : il est dur de progresser si on ne se limite qu’aux aspects économiques de la transition sans implication des citoyens et des organismes environnementaux, plus encore si les objectifs sont peu ambitieux.

Madame Gladyszewski ne semble pas convaincue que nous disposions d’information suffisante pour prendre les décisions pressantes et revendique plus d’efforts à étudier les options mises de l’avant à travers le monde. Bien qu’elle semble moins bien maîtriser les éléments politiques et réglementaires de l’enjeu énergétique, elle considère qu’il faut inclure les citoyens dès le début de la réflexion, ce qui dynamiserait ainsi leur participation dans le chantier.

À l’AMSÉE, nous croyons qu’une meilleure valorisation de l’implication citoyenne avec la remise sur pied d’un lieu public d’échange ouvert et transparent en énergie favoriserait l’acceptabilité sociale et aiderait à enclencher une transition juste et pressante. L’AMSÉE souhaite aussi que le nouveau Conseil rehausse les objectifs actuels de la Stratégie énergétique pour limiter le réchauffement climatique tel que recommandé par la communauté internationale.